Gestion financière
LES FINANCES DU CÉGEP AU COURS DES 50 DERNIÈRES ANNÉES
La gestion des finances du Cégep au cours des cinquante dernières années a souvent été un exercice de haute voltige. D’abord, au moment de la mise en place du Collège régional Bourgchemin en 1971, le Cégep est passé de collège monolithique avec une autonomie complète à un statut de campus chapeauté par un centre administratif. À partir de ce moment, les décisions majeures, y compris les décisions financières, ont été prises par cette dernière instance. Un Service des finances centralisé de même qu’un Service des ressources humaines et d’autres services furent alors créés.
Cette perte d’autonomie a été durement ressentie et a souvent donné lieu à des frustrations, à des querelles que l’on pourrait qualifier de type « fédéral/provincial ». Ajoutons à cela que le Ministère, après avoir créé quatre collèges régionaux, semblait souvent les oublier par la suite dans son modèle de financement : les règles étaient pensées pour des collèges monolithiques. Donc, une autre source de frustration. C’est dans ce contexte qu’en 1977, le Campus de Saint-Hyacinthe, à l’initiative de Serge Cloutier, alors directeur du Campus, a demandé et obtenu qu’une évaluation de la structure régionale soit faite. Le Ministère a mis fin à celle-ci en 1980 dans trois des quatre collèges régionaux de l’époque.
En 1980, le Cégep retrouve donc son autonomie perdue en 1971. La dérégionalisation amène alors le partage des actifs et des passifs. Entre autres, le nouveau Cégep de Saint-Hyacinthe rachète, du Cégep régional Bourgchemin, son campus du 3000 avenue Boullé, transaction qui permet à la Ville de Saint-Hyacinthe de toucher au passage des droits de mutation immobilière de 85 000 $. Au niveau des passifs, le Cégep hérite du Collège régional Bourgchemin d’une dette de près de 250 000 $. Cela peut paraître relativement peu aujourd’hui mais, en dollars 1980, c’était un montant important. L’autonomie a un prix!
La santé financière des cégeps a toujours été liée de très près à celle de son principal bailleur de fonds, à savoir le gouvernement du Québec. Province relativement pauvre mais dotée de toute une panoplie de programmes sociaux, celle-ci a souvent été aux prises avec des déficits structurels qui ont nécessité périodiquement des coups de barre radicaux, de crainte d’être décotée par les agences de crédit et de voir ses coûts d’emprunt augmenter de façon importante.
La situation budgétaire, souvent difficile, l’est devenue d’autant plus lorsque l’économie est tombée en récession, privant alors le Gouvernement de revenus d’impôts tant des individus que des entreprises. Ceci s’est d’abord produit vers 1981-1982. Ce fut la première année de compressions qui en annonçait plusieurs autres. Pour rétablir partiellement la situation, le gouvernement de René Lévesque décréta alors une réduction de 20 % des salaires à tous les employés de l’État, et ce, pour une période de trois mois. Tous les autres budgets furent également amputés.
Comme une récession ne se résorbe généralement pas en quelques mois, la situation financière demeura difficile tout au long des années 80 à Saint-Hyacinthe comme ailleurs.
Mais le pire était à venir! Au début des années 90, l’économie mondiale est tombée à nouveau en récession profonde. Cette dernière a aussi frappé le Canada dont le Gouvernement a simultanément décidé de redresser la situation financière en réduisant notamment les transferts aux provinces, qui étaient elles aussi déjà touchées par la récession. On devine la suite… Selon les données de la Fédération des cégeps, entre 1992 et 1999, les cégeps ont « hérité » de 244,7 millions de compressions, ce qui signifie une moyenne de cinq millions par cégep. Comme notre Cégep était à cette époque de taille moyenne, on peut présumer que celui-ci a eu à faire face à environ cinq millions de compressions pour cette période, ce qui signifie six à sept cent mille par année sur un budget de cinq à six millions. La masse salariale des enseignants était exclue du budget normalisé.
Les années 1996-1997, 1997-1998, 1998-1999 notamment furent très difficiles, soit des années où les compressions locales excédèrent le million de dollars annuellement, puisque le gouvernement de Lucien Bouchard s’était donné en plus comme objectif d’atteindre le déficit zéro. Le tout devait se faire dans un contexte où les frais afférents et autres étaient très réglementés, sans oublier la sécurité d’emploi en béton du personnel… Il fallut faire preuve de beaucoup de créativité pour sauvegarder l’essentiel des activités éducatives. Toutes les dépenses ont été scrutées à la loupe ad nauseam pour voir si elles pouvaient être annulées, réduites, reportées, si des achats pouvaient être regroupés avec d’autres instances, etc. Exercice d’autant plus difficile dans la mesure où l’on était en compression depuis des années.
Entre autres interventions, des mesures importantes ont été prises afin de diminuer la facture énergétique. Mais ce type de dépenses illustre bien en même temps comment plusieurs d’entre elles sont partiellement ou totalement incompressibles. La direction du Cégep a également été très proactive pour tenter d’augmenter les revenus dans certains secteurs où c’était possible comme à la Formation continue, tout en laissant à cette entité une marge de manœuvre pour continuer à se développer. Des corporations ont également été créées afin de mener certaines activités admissibles à du financement, contrairement au Cégep lui-même. En 2007, celles-là ont été abolies après avoir rencontré certains problèmes.
La situation a été d’autant plus difficile que, au-delà des compressions faites à partir du début des années 80, tout le secteur de la micro-informatique, tant au niveau administratif que pédagogique, s’est largement développé et a drainé des fonds importants. Les coûts des équipements et de leurs composantes n’étaient pas ceux d’aujourd’hui. Il faut peut-être se rappeler qu’en 1990, un microordinateur un tant soit peu performant coûtait près de 15 000 $ l’unité.
Une note positive dans toutes ces années tumultueuses : la clientèle étudiante a souvent été en croissance, ce qui a permis d’atténuer les compressions et de sauvegarder le plus d’emplois possible.
À partir de l’an 2000, des réinvestissements plutôt modestes ont été faits par Québec. Mais ces investissements étaient souvent ciblés, i.e. s’appliquaient à des activités prédéterminées par le Ministère avec une reddition de comptes détaillée. À noter aussi qu’à partir de 2007, le gouvernement du Québec a majoré de façon importante les sommes pour l’entretien des bâtiments. Celles-ci ont permis notamment de rénover plusieurs laboratoires ou d’en ajouter certains, et de remplacer les composantes du bâtiment qui trahissaient leur âge.
En 2011, les compressions ont repris jusqu’en 2015-2016 pour totaliser 170 millions dans l’ensemble du réseau. Heureusement, entre 2008 et 2016, la clientèle étudiante du Cégep a augmenté de près de 50 %, ce qui a permis encore une fois d’atténuer l’impact de celles-là.
Pendant toutes ces années, la direction du Cégep a cherché à préserver l’essentiel de sa mission, i.e. les activités éducatives. Elle a également tenté, en dépit du contexte difficile, de ne pas « pelleter en avant » les compressions budgétaires et aussi, dans la mesure du possible, de dégager une marge de manœuvre afin d’éviter d’avoir à prendre des mesures trop contraignantes et susceptibles de déstabiliser complètement l’organisation. Et il fallait aussi continuer à développer le Cégep!
Une collaboration de Guy Gagné, directeur retraité des Services administratifs